Maroc

avril 24, 2016

Procès d'un homo agressé au Maroc: les libertés sur le banc des accusés


Source : marianne.net
Mis à jour : Lundi 11 Avril 2016

L'humilitation des homos par les policiers comme par les juges

Les agressions contre les couples homosexuels se sont de fait multipliées ces derniers mois au Maroc. En juin 2015, le lynchage sauvage, lui aussi, d’un homme désigné comme "travelo" en pleine rue à Fès, avait déjà créé l’émoi. Au même moment, en juin 2015, deux hommes étaient arrêtés et condamnés à quatre mois de prison ferme à Rabat pour s’être embrassés publiquement. Un mois plus tôt, en mai 2015, trois Marocains avaient été quant à eux condamnés à la peine maximale, trois ans de prison ferme, dans le nord-est du royaume, à Taourirt, après que deux d’entre eux ont été surpris selon la loi marocaine en "flagrant délit"

"La sexualité reste un sujet tabou" dans la société, analyse Ibtissam Lachgar. Alors l’homosexualité, "c’est le pire des crimes", perçue comme "une perversion" qui entraîne, en cas d’arrestation, "l’humiliation" des homosexuels "par tous les corps de métiers". Et ce, depuis la constatation des faits par des badauds ou par "les policiers", jusqu’au placement en détention en passant par les "juges", qui n’hésitent pas à demander, lors des procès, si l’inculpé est un "homosexuel actif ou passif." "On est tenté de croire que le jugement diffère selon la réponse", relève la militante.

Pour l’écrivain marocain et homosexuel Abdellah Taïa, 42 ans, l’un des premiers à faire publiquement son coming out, il y a toutefois "quelque chose qui a bougé" depuis "son adolescence." "Avant, ces agressions contre les homosexuels participaient de la honte sociale à laquelle on n’accordait aucune importance, nous explique-t-il. Or aujourd’hui, malgré l’horreur, cette question devient un sujet", voire un combat que saisit la société civile, "les associations, les intellectuels, les artistes…". Et de relever que "la culture arabe" regorge d’oeuvres où transparaît l’homosexualité, comme les Mille et une nuits, et compte comme toutes les autres nombre d’auteurs homosexuels. Et même "quelques-uns des plus grands poètes : Abû Nuwâs ou Al Jahiz, auteur de "Ephèbes et les courtisanes", énumère Abdellah Taïa, qui avait lui-même écrit, en 2009, à sa mère pieuse et analphabète. 

Les libertés individuelles au Maroc, un long combat

Au-delà, la question de l’homosexualité au Maroc interroge l’ensemble des libertés individuelles, enfermées dans trois articles de loi que tentent d’abroger intellectuels et associations, LGBT entre autres : l’article 489, qui pénalise l’homosexualité, mais aussi les articles 490 et 491 qui stipulent que les relations sexuelles hors mariage et l’adultère sont également susceptibles de poursuites. Dans ces cas-là, "les femmes sont les premières victimes", nous explique Ibtissam Lachgar. Souvent issues "d’un milieu populaire", elles se retrouvent "devant le procureur qui les inculpe - jamais les hommes -, en général pour prostitution."

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