Situation des minorités sexuelles

oct. 14, 2016

La prison d’une lesbienne Algérienne


Source : transhomosdz.org 2016-07-07

 

“Quand mon bourreau finit d’abuser de moi, je ferme les yeux, je pense que c’est elle qui est prés de moi dans le lit et ma douleur disparait”

La situation des lesbiennes en Algérie est très peu connues. les personnes mises en prison pour homosexualité sont des hommes mais il existe d’autres prisons, encore plus cruelles et plus mortelles, dans celles ci, on y met des femmes qui aiment les femmes…

Nora, une lesbienne algérienne nous raconte sa vie et nous expose ses prisons. A sa demande, et afin de ne pas la mettre en danger, son prénoms ainsi que celui de celle qu’elle aime ont été changé.

THDZ: Bonjour Nora. Nous souhaitons te remercier d’avoir accepté de nous raconter ta vie malgré les risques et la douleur. Pour commencer, comment tu souhaite te présenter?

Nora: Je suis une femme et une maman, j’ai 25 ans et je pense que ma vie est perdu parce que malgré moi, j’ai éperdument aimé une femme et ça m’a tué.

THDZ: ça t’a tué?

Nora: Cette amour a mis fin à mes rêves, mes espoirs, mes études et plus simplement à ma vie. Le jour ou mon amour pour elle a été démasqué, c’était le dernier jour de ma vie.

THDZ: Peux tu nous donner plus de détails stp?

Nora: Je viens d’une famille très conservatrice. J’ai deux frères, un plus vieux de deux ans et l’autre plus jeune que moi d’une année. Depuis ma tendre enfance, je m’étais rendu compte que j’étais différente. A dix ans, mon plus jeune frère ma battait dans la rue car il n’appréciait pas le fait de me trouver jouer dehors avec des garçons. Au début, mon père me soutenait et le grondait mais dès que les signes de ma puberté commençaient à apparaitre, mon père a rejoint mes deux frères et je n’avais plus le droit de quitter la maison sans la présence d’un des trois. Ils voulaient me faire arrêter les études mais ma mère les a supplié et ils ont finit par accepter.

J’ai eu mon bac et j’étais impatiente de travailler dure pour devenir journaliste. Ma cousine qui a eu son bac la même année a quitté sa ville et s’est installée chez nous pour suivre les mêmes études que moi. ses parents n’ont accepté qu’elle poursuivre ses études qu’à la seule condition qu’elle vive chez nous car il était hors de question qu’elle habite dans une cité universitaire.

Lamia dormait dans ma chambre et était appréciée par toute la famille. Nous étions très proches et on nous appelait les inséparables. A la fac comme à la maison, nous nous quittions jamais, nous faisions tout ensemble. Jetais troublée car je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Un soir, elle est venu dans mon lit pour me dire un secret, elle était très hésitante et elle parlait avec des indices pendant des heures mais elle a finit par me dire qu’elle était amoureuse de moi et m’a embrassé.

Je lui ai dit qu’elle était juste perturbée car loin de sa famille mais que cet amour n’était pas possible. Il m’a fallut des semaines pour reconnaitre que j’éprouvais les mêmes sentiments et qu’elle était la femme de ma vie. J’ai finit par le lui avouer. Nous avons fait l’amour et avons toutes les deux craquer en larmes car trop d’émotions contradictoires en même temps. Nous étions amoureuses, nous apprécions ce que nous faisions et avions terriblement peur de ce qui nous attendait.

Un jour, nous étions seules à la maison et avions donc baissé la garde. Mon frère ainé, engagé dans l’armé, est venu en visite surprise et nous a surpris toutes nues enlacée dans le lit. Ce jour la, notre cauchemar a commencé.

THDZ: Que s’est il passé ensuite? Ton frère t’a t il battu?

Nora: Non, il nous a insulté comme jamais une personne ne l’a été, il nous a traité de tout les noms et nous a promis l’enfer. Mon frère est allé tout raconter à mon père. Mon père ne me disait plus rien et ceci m’inquiétait encore plus. La première décision c’était de nous mettre, Linda et moi, dans des chambres séparées. Les parents de Linda sont venu deux jours plus tard et se sont enfermés avec les miens pendant des heures dans le salon. Ils faisaient en sorte que je ne puisse pas entendre ce qui se disait. Linda a pris toutes ses affaires et a quitté avec sa famille. Cachée derrière le rideau de la fenêtre, je la voyais partir, je pleurais en silence la fin de notre amour. C’était la dernière fois que je la voyais.

Quelques minutes plus tard, ma mère vient m’annoncer le verdict. Je devais me marier avec le frère de Linda dans 30 jours. Il avait 35 ans, avait déjà une première femme et deux enfants. Je ne l’ai jamais apprécié, il me lançait des regards vicieux à chaque fois qu’il venait rendre visite à sa sœur. Ma mère qui ne me regardait pas dans les yeux, m’a annoncé que Linda, quant à elle, allait se marier avec mon frère qui nous a démasqué. Je me suis jeté aux pieds de ma mère, la suppliant que nous étions désolées et que nous étions prêtes a tout pour éviter ces mariages. Ma mère m’a répondu que le mal était fait et que c’était le seul moyen de nous éviter une aggravation de notre maladie. 30 jours plus tard, j’étais mariée à un monstre…

THDZ: As tu pensé à t’enfuir avant le mariage?

Nora: Tout le temps. Il ne s’est pas passé une seule seconde sans que j’y pense et que je me dessine des scenarios de fuite dans ma tête, mais à chaque fois que je pensais avoir assez de courage pour le faire, deux choses m’en empêchaient. La première était le fait que ma mère avait des problèmes au cœur et je craignais qu’elle ne s’en remette pas. La deuxième était que je ne savais pas ou aller. J’étais sure que j’allais me retrouver entre les mains de vautours qui allaient me faire du mal. Moi qui n’avais même pas le droit de dépasser les 18 heures en dehors de la maison, qu’allais je advenir dans la nuit des ruse?

THDZ: Désolé de te faire replonger dans la douleur, mais peux tu nous dire comment s’est passé la mariage?

Nora: Une torture. Je ne trouve pas d’autres mots.

THDZ: Un silence de quelques minutes…

Nora: Ma mère m’a préparé, il n’y avait pas d’invités comme dans les autres mariages. Tout devait se faire vite et discrètement. Mon future mari est arrivé habillé en costume. Nous sommes parti à la mairie pour effectuer l’acte de mariage, ensuite, l’imam est arrivé et nous avons conclu la procédure religieuse. Moins d’une heure plus tard, je devais monter dans la voiture. J’ai voulu embrassé mon père mais il s’est détourné de moi. J’ai embrassé ma mère et je suis monté dans la voiture.

Mon tortionnaire conduisait la voiture et c’était la première fois que je me retrouvais seule avec lui. La trajet a duré 3 heures et demis durant lesquelles il n’a pas cessé de me répéter qu’il allait me soigner de mon problème et que je ne devais pas avoir peur…

Le soir, nous arrivons chez lui, il m’a demandé d’embrasser sa mère et sa première femme sur la tête. Je me suis exécuté puis j’ai été conduite dans sa chambre. seuls dans la chambre, il m’a demandé de me préparer pour faire la prière avec lui. Je n’avais jamais fait la prière de toute ma vie. Après la prière, il s’approche de moi et me demande de me déshabiller. Je lui ai dit que je ne voulais pas. Au début, il était gentil mais il a finit par perdre patience. Il a déchiré ma robe et je me suis tout d’un coup retrouvée toute nue devant lui. Au début j’essayais de l’empêcher de me toucher. Je le jure, j’ai vraiment tout essayé mais il m’a giflé et m’a dit, maintenant, tu vas comprendre c’est quoi un homme. A ce moment la, j’ai laissé tomber et il a fait de moi ce qu’il voulait. Dès qu’il avait finit, il s’est retourné et s’est endormi. Je suis allé dans la sale de bain, j’ai vomis, pleuré, je me suis frotté jusqu’au sang et la nuit s’est terminée.

THDZ: Comment s’est passé la cohabitation avec un homme que tu ne voulais pas?

Nora: Chaque soir, je faisais exprès de rester très tard dans la cuisine en espérant qu’il s’endorme ou qu’il choisisse d’aller dans la chambre de la première femme. Parfois, ça marchait mais quand il voulait être avec moi, il n’y avait rien à faire, il venait dans la cuisine et m’ordonnait de le suivre. Quand je lui proposais d’aller plutôt avec son autre femme, il devenait fou de colère et me disait qu’il était musulman et qu’il devait passer autant de nuits avec chacune de ses femmes. Il me disait qu’il avait accepté de m’épouser juste pour couvrir le déshonneur sur la famille que j’ai provoqué moi et sa sœur et que maintenant, il lui fallait se sacrifier car c’est un bon musulman.

Durant dès mois, alors que je commençais a penser à m’enfuir, je suis tombé enceinte.

THDZ: La grossesse a changé tes plans?

Nora: Oui, elle a tout changé!

THDZ: Qu’est devenu Linda?

Nora: Elle s’est marié avec mon frère. Elle habite loin, elle a deux enfants qui sont aussi mes neveux. Je n’ai jamais pu la revoir ni même avoir un moyen de la contacter. Ils ont tout organisé pour qu’on ne puisse jamais se croiser ou se parler.

THDZ: Après toutes ces années, penses tu qu’il soit encore possible de quitter cette prison?

Nora: Les trois femmes de ma vie, qui m’ont pourtant donné tant d’amour ont, sans le vouloir, jeté les clés de ma liberté dans la mer. Mon amour pour Linda a bouleversé ma vie et mes projets, ma peur pour ma mère m’a poussé à accepter ma prison et ma petite puce me contraint à y rester. J’ai une fille qui a 4 ans et demis. Elle est adorable et me permet de continuer à vivre. Si je décide de partir, je perd sa garde et avec mon historique, il n’y a pas un seul juge qui me la laisserait.

J’ai appris à vivre ainsi. La seule chose que je n’ai toujours pas appris a supporter c’est de me retrouver dans son lit. A chaque fois qu’il me touche, c’est aussi douloureux et mortel que la première fois.

THDZ: Tu voudrai rajouter quelque chose?

Nora: En faisant ce témoignage, je sais que d’autres femmes endurent les mêmes épreuves que moi. Je sais qu’elles aimeraient savoir qu’elles ne sont pas les seules.

J’avoue que j’ai un stupide espoir de penser que peu être Linda pourra lire mon histoire. Si c’est le cas, je souhaite lui dire que malgré tout ce qui s’est passé, je continue à l’aimer. Quand mon bourreau finit d’abuser de moi, je ferme les yeux, je pense que c’est elle qui est prés de moi dans le lit et ma douleur disparait.

Linda, je ne regrette pas notre amour, tu continueras à être la femme de ma vie. Prends soin de toi et quand tu a envie de craquer, penses qu’un jour, dans cette vie ou dans une autre, nous nous retrouverons. Je t’aime ma bessboussa au miel. C’est comme ça que je l’appelais.

THDZ: Merci Nora, nous te remercions pour ta confiance et surtout pour les efforts qu’il t’a fallu pour parler de ta souffrance. Nous espérons vraiment que Linda pourra te lire.


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